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La famille de Lariya Abdulkareem cultivait du sorgho et des haricots près de leur village du nord-ouest du Nigeria, avant que la menace des "bandits" les force à abandonner leurs terres.
Nourrir sa famille est de plus en plus difficile car l'insécurité sur les routes de son Etat de Katsina complique la livraison de maïs, de millet et de soja, se lamente Mme Abdulkareem, 40 ans et déjà grand-mère.
Selon les autorités sanitaires et les ONG, sa famille fait partie de milliers d'autres dont les enfants souffrent de malnutrition aiguë dans le nord-ouest du Nigeria où l'insécurité et la hausse des prix des denrées alimentaires ont aggravé une situation déjà alarmante dans cette région extrêmement pauvre.
"Nous avions l'habitude de cultiver mais nous ne pouvons plus accéder" aux terres, comme avant, insiste Mme Abdulkareem en serrant dans ses bras sa petite-fille de 7 mois souffrant de malnutrition dans une clinique soutenue par Médecins sans frontières (MSF).
Les zones rurales du nord-ouest du Nigeria sont ravagées par des bandes criminelles, les "bandits", qui pillent, attaquent, tuent et kidnappent les villageois pour obtenir une rançon. Ils mènent leurs attaques depuis leurs camps situés au cœur des forêts qui recouvrent une grande partie de la région.
Des centaines de milliers de personnes ont été jété sur les routes, fuyant ces violences, tandis que des milliers d'autres ont été tuées. Le nombre de victimes de ces gangs dépasse désormais celui du conflit dans le nord-est du pays né de l'insurrection jihadiste vieille de 13 ans.
- "Situation désespérée" -
La plupart des organisations humanitaires internationales au Nigeria se trouvent dans le nord-est, où plus de 2 millions de personnes ont été déplacées par le conflit, mais très peu disposent de programmes dans le nord-ouest.
Et pourtant, la récente détérioration de la situation sécuritaire dans la région est responsable d'une envolée de la malnutrition. Dans cinq Etats du nord-ouest, 44.500 enfants ont déjà été admis dans des hopitaux car souffrant de malnutrition entre janvier et juin de cette année. Rien qu'à Katsina, les agences humanitaires et les autorités sanitaires se préparent à traiter 100.000 enfants cette année.
Dans toute la ville, des centaines de mères se présentent chaque jour dans les cliniques pour obtenir de l'aide.
A Kofar Sauri par exemple, les mamans partagent les lits de leurs enfants dans des dizaines de tentes installées dans la cour de l'hôpital. L'établissement peut traiter jusqu'à 250 patients mais en admet actuellement 350.
MSF dit vouloir augmenter la capacité à 500 lits à Katsina, pour faire face à la flambée de cas compliqués. Ceux nécessitant une hospitalisation ont déjà augmenté de 40% la semaine dernière.
- Inflation record -
Sous les tentes bondées, les enfants de moins de cinq ans sont pesés, mesurés et diagnostiqués. Ils souffrent souvent d'autres maladies, du paludisme ou de la rougeole, selon le personnel médical.
"Nous avons la rougeole, la pénurie alimentaire et avec les bandits, nous avons beaucoup de déplacés. Tout cela a de lourdes conséquences sur les enfants", insiste le Dr Yakubu Abubakar, pédiatre dans une clinique de MSF.
"Et ça, ce n'est que dans un seul Etat."
MSF dit avoir conduit en juin des tests sur 36.000 enfants de moins de cinq ans à Gummi, dans l'Etat voisin de Zamfara. Plus de la moitié souffraient de malnutrition et un quart, souffrant de malnutrition sévère, avaient besoin de soins urgents.
"La situation désespérée des enfants malnutris dans le nord-ouest du Nigeria ne peut pas continuer à être négligée", a déclaré dans un communiqué Froukje Pelsma, cheffe de mission MSF au Nigeria.
Depuis le début de l'année, 20.000 personnes ont fui les violences des "bandits" dans trois zones de Jibiya, ont déclaré un membre du gouvernement local et des résidents.
"Les gens ont peur d'être kidnappés, tués ou déplacés", explique Nuhu Iliya, directeur de la Santé du gouvernement local de Jibiya.
"Les parents peinent à trouver de quoi manger, les bébés et les enfants souffrent".
Le nord-ouest du Nigeria est souvent en proie à des pénuries alimentaires, particulièrement pendant la saison sèche, quand les réserves des récoltes s'épuisent. En tout, la région compte huit millions d'enfants en situation de malnutrition, selon l'Unicef.
A cela s'ajoute désormais, les conséquences de l'invasion russe en Ukraine, qui a perturbé l'approvisionnement mondial en céréales et les prix des carburants ont augmenté, provoquant la flambée des prix des denrées alimentaires dans de nombreux pays africains.
En juin, le Nigeria a enregistré une inflation de 18,6%, un record depuis 5 ans, avec une inflation alimentaire atteignant les 20%.
A.Wyss--NZN