Zürcher Nachrichten - En Syrie, l'horreur des "saloirs" de la prison de Sednaya

EUR -
AED 3.819087
AFN 72.682799
ALL 98.089398
AMD 408.896788
ANG 1.86594
AOA 954.524768
ARS 1062.897161
AUD 1.665979
AWG 1.871617
AZN 1.777387
BAM 1.948636
BBD 2.090515
BDT 123.725154
BGN 1.955014
BHD 0.392133
BIF 3061.046786
BMD 1.039787
BND 1.406131
BOB 7.154697
BRL 6.361111
BSD 1.035394
BTN 88.022406
BWP 14.310391
BYN 3.388344
BYR 20379.834362
BZD 2.081249
CAD 1.497783
CDF 2984.18977
CHF 0.932398
CLF 0.03737
CLP 1031.154673
CNY 7.589614
CNH 7.599344
COP 4564.666982
CRC 522.379595
CUC 1.039787
CUP 27.554368
CVE 109.862174
CZK 25.147272
DJF 184.372199
DKK 7.457771
DOP 63.048218
DZD 140.184369
EGP 53.110785
ERN 15.596812
ETB 129.065422
FJD 2.410903
FKP 0.823493
GBP 0.829745
GEL 2.92165
GGP 0.823493
GHS 15.220047
GIP 0.823493
GMD 74.864534
GNF 8945.1154
GTQ 7.977672
GYD 216.613671
HKD 8.078857
HNL 26.282379
HRK 7.458298
HTG 135.452043
HUF 414.927541
IDR 16823.397298
ILS 3.791088
IMP 0.823493
INR 88.514664
IQD 1356.313833
IRR 43762.057998
ISK 145.144124
JEP 0.823493
JMD 161.994466
JOD 0.73731
JPY 163.16967
KES 134.392694
KGS 90.461796
KHR 4160.704156
KMF 484.670921
KPW 935.808139
KRW 1511.1543
KWD 0.320421
KYD 0.862828
KZT 543.751028
LAK 22661.689661
LBP 92716.151012
LKR 303.98248
LRD 187.91916
LSL 19.061624
LTL 3.070222
LVL 0.628957
LYD 5.087298
MAD 10.420392
MDL 19.07089
MGA 4885.041302
MKD 61.568897
MMK 3377.189135
MNT 3533.197679
MOP 8.288728
MRU 41.176624
MUR 48.713702
MVR 15.980014
MWK 1794.887232
MXN 20.936114
MYR 4.668836
MZN 66.446297
NAD 19.061624
NGN 1607.979191
NIO 38.099935
NOK 11.79236
NPR 140.836249
NZD 1.841815
OMR 0.400316
PAB 1.035394
PEN 3.855426
PGK 4.198565
PHP 60.928948
PKR 288.191432
PLN 4.273306
PYG 8073.320348
QAR 3.774424
RON 4.977253
RSD 117.035318
RUB 104.212733
RWF 1443.294071
SAR 3.906118
SBD 8.717115
SCR 14.499106
SDG 625.434214
SEK 11.481583
SGD 1.411215
SHP 0.823493
SLE 23.710672
SLL 21803.826448
SOS 591.724664
SRD 36.528736
STD 21521.501253
SVC 9.059694
SYP 2612.497459
SZL 19.056942
THB 35.631446
TJS 11.32676
TMT 3.649654
TND 3.299171
TOP 2.435285
TRY 36.618975
TTD 7.027166
TWD 34.012527
TZS 2503.289383
UAH 43.422667
UGX 3798.037414
USD 1.039787
UYU 46.180229
UZS 13348.925833
VES 53.527677
VND 26462.591046
VUV 123.445651
WST 2.872712
XAF 653.554362
XAG 0.035083
XAU 0.000397
XCD 2.810077
XDR 0.789797
XOF 653.554362
XPF 119.331742
YER 260.336802
ZAR 19.162504
ZMK 9359.342251
ZMW 28.653662
ZWL 334.81114
  • AEX

    -2.9800

    872.5

    -0.34%

  • BEL20

    5.0600

    4219.36

    +0.12%

  • PX1

    11.6400

    7285.91

    +0.16%

  • ISEQ

    51.3300

    9736.96

    +0.53%

  • OSEBX

    6.4400

    1407.02

    +0.46%

  • PSI20

    42.0600

    6319

    +0.67%

  • ENTEC

    -5.8300

    1416.23

    -0.41%

  • BIOTK

    14.8900

    3053.27

    +0.49%

  • N150

    5.4900

    3232.68

    +0.17%

En Syrie, l'horreur des "saloirs" de la prison de Sednaya
En Syrie, l'horreur des "saloirs" de la prison de Sednaya / Photo: OMAR HAJ KADOUR - AFP

En Syrie, l'horreur des "saloirs" de la prison de Sednaya

Lorsque son geôlier le pousse dans une pièce obscure de la prison de Sednaya, Abdo est surpris de découvrir qu'il a du sel jusqu'aux chevilles. En ce jour d'hiver en 2017, le jeune homme a déjà passé deux ans dans la prison la plus notoire de Syrie.

Taille du texte:

Les maigres rations de l'établissement étant cuisinées sans sel, c'est avec délectation que Abdo porte à sa bouche une poignée de cristaux blancs. Quelques instants plus tard vient la deuxième surprise, moins agréable: en explorant prudemment la pièce, pieds nus dans la pénombre, il trébuche sur un cadavre.

Le corps est émacié et à moitié enterré dans le sel. Bientôt, il découvre deux autres cadavres.

Déjà connue dans l'Egypte antique, cette technique a été adoptée pour répondre au rythme des tueries perpétrées dans les prisons du régime de Bachar al-Assad.

Ces "chambres de sel" seront décrites pour la première fois dans un rapport publié prochainement par l'Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya (ADMSP).

Lors de recherches approfondies et d'entretiens avec d'anciens détenus, l'AFP a découvert qu'au moins deux chambres de sel avaient été créées à Sednaya.

Depuis 2011, plus de 100.000 personnes ont péri dans les prisons du régime syrien, notamment sous la torture, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Aujourd'hui âgé de 30 ans, Abdo, qui a survécu à l'enfer de Sednaya, a choisi un nom d'emprunt par crainte de représailles. Originaire de Homs, il vit désormais dans l'est du Liban où il loue un appartement.

Abdo se souvient très bien du jour où il a été jeté dans le saloir qui faisait parfois office de cellule, en attendant de comparaître devant un tribunal militaire.

"Ma première pensée a été: que Dieu les maudisse! Ils ont tout ce sel mais n'en mettent pas dans notre nourriture!", raconte-t-il. "Puis, j'ai marché sur quelque chose de froid. C'était la jambe de quelqu'un."

- "Mon cœur est mort" -

"Je pensais que j'allais être exécuté", poursuit Abdo, qui s'était recroquevillé dans un coin de la chambre de sel pendant qu'il pleurait et récitait des versets du Coran.

Un garde est finalement venu le chercher pour l'amener à l'audience. En sortant de la pièce, il a aperçu une pile de sacs mortuaires près de la porte.

Abdo, qui a eu la chance de survivre aux horreurs de Sednaya, décrit une pièce d'environ huit mètres sur six avec des toilettes rudimentaires dans un coin, au premier étage de la prison.

Le jeune homme avait été placé en détention pour terrorisme, une accusation fourre-tout utilisée par le régime pour emprisonner des dizaines de milliers d'hommes. Il a été relâché en 2020, mais son incarcération l'a traumatisé à vie.

"C'est la chose la plus dure que j'ai vécue", avoue Abdo. "Mon cœur est mort à Sednaya. Si quelqu'un m'annonçait la mort de mon frère aujourd'hui, je ne ressentirais rien".

Environ 30.000 personnes auraient été détenues dans la seule prison de Sednaya depuis le début du conflit syrien en 2011. Seules 6.000 d'entre elles ont été relâchées.

La plupart des autres détenus sont officiellement considérés comme disparus, leurs certificats de décès parvenant rarement à leurs familles, à moins que leurs proches ne versent des pots-de-vin exorbitants, dans le cadre d'un racket généralisé.

L'AFP a interrogé un autre ancien détenu, Moatassem Abdel Sater, qui a vécu une expérience similaire en 2014, dans une autre cellule du premier étage de la prison, d'environ quatre mètres sur cinq, sans toilettes.

L'homme de 42 ans, qui est installé à Reyhanli en Turquie, raconte s'être retrouvé debout sur une épaisse couche du type de sel utilisé pour saler les routes en hiver.

"J'ai regardé à ma droite et j'ai vu quatre ou cinq corps. Ils me ressemblaient un peu", se souvient Moatassem Abdel Sater, décrivant comment leurs membres squelettiques et leur peau atteinte de la gale lui rappelaient son propre corps émacié: "On aurait dit qu'ils étaient momifiés."

Moatassem Abdel Sater avoue ne pas savoir pourquoi il a été emmené à la morgue de fortune, le jour de sa libération, le 27 mai 2014. "C'était peut-être juste pour nous effrayer", lâche-t-il.

- Trou noir -

D'après l'ADMSP, la première chambre de sel à Sednaya remonte à 2013, une des années les plus sanglantes du conflit syrien.

"Nous avons découvert qu'il y avait au moins deux chambres de sel utilisées pour préserver les cadavres de ceux qui sont morts sous la torture, de maladie ou de faim", a déclaré le cofondateur de l'association, Diab Serriya, lors d'une interview dans la ville turque de Gaziantep.

On ignore si les deux chambres ont existé en même temps et si elles sont encore opérationnelles.

Lorsqu'un prisonnier mourait, son corps était généralement laissé à l'intérieur de la cellule, pendant deux à cinq jours, avant d'être emmené dans une chambre de sel, confie M. Serriya.

Les cadavres étaient ensuite gardés dans le saloir jusqu'à ce qu'il y en ait assez pour remplir un camion. L'hôpital militaire délivrait ensuite des certificats de décès, indiquant souvent qu'une "crise cardiaque" avait causé la mort, avant les enterrements de masse.

Les chambres de sel sont destinées à "préserver les corps, contenir la puanteur... et protéger les gardiens et le personnel pénitentiaire des bactéries et des infections", explique M. Serriya.

Joy Balta, professeur d'anatomie basé aux Etats-Unis, qui a publié de nombreux articles sur les techniques de préservation du corps humain, explique comment le sel, simple et bon marché, peut être utilisé comme alternative aux chambres froides.

"Le sel a la capacité de dessécher n'importe quel tissu vivant en réduisant sa teneur en eau (...) et peut donc être utilisé pour ralentir considérablement le processus de décomposition", explique-t-il à l'AFP.

Un corps peut être préservé dans le sel plus longtemps que dans une chambre froide, "bien que cette technique modifie l'anatomie de surface", poursuit M. Balta.

Dans l'Egypte antique, une solution saline appelée natron était utilisée pour momifier les corps des défunts.

Les tonnes de sel utilisées à Sednaya proviendraient de Sabkhat al-Jabul, le plus grand banc de terre salée de Syrie, dans la province d'Alep.

Le rapport de l'ADMSP est l'étude la plus approfondie à ce jour sur la structure de la prison de Sednaya, fournissant des schémas détaillés de l'installation et de la répartition des tâches entre les différentes unités de l'armée et les gardiens.

"Le régime veut que Sednaya soit un trou noir. Personne n'est autorisé à en savoir quoi que ce soit", avance M. Serriya: "Notre rapport les empêche d'arriver à ce but."

- Ironie écœurante -

L'intensité des combats en Syrie a diminué ces trois dernières années, mais Bachar al-Assad et la prison de Sednaya, devenue un symbole du régime sanglant, sont toujours en place.

De nouvelles facettes de l'horreur de la guerre continuent d'être découvertes à mesure que les survivants à l'étranger partagent leur vécu et que les enquêtes sur les crimes du régime menées par des tribunaux étrangers alimentent une volonté de responsabilisation.

"Si une transition politique se produit un jour en Syrie, nous voulons que Sednaya soit transformée en musée, comme Auschwitz", dit M. Serriya.

Les prisonniers se souviennent qu'en dehors de la torture et de la maladie, la faim était leur plus grand tourment.

Moatassem Abdel Sater dit être passé de 98 kg, lorsqu'il a été incarcéré en 2011, à 42 kg à sa sortie de prison.

Les anciens détenus considèrent également comme une ironie écœurante le fait que le sel dont ils avaient tant besoin faisait partie de la machine à tuer qui les décimait.

Le blé, le riz et les pommes de terre dont ils étaient parfois nourris étaient toujours cuits sans sel ni chlorure de sodium, dont la privation peut avoir de graves conséquences pour le corps humain.

De faibles niveaux de sodium dans le sang peuvent provoquer des nausées, des étourdissements et des crampes et, à terme, le coma et la mort.

Les détenus avaient l'habitude de tremper des noyaux d'olives dans leur eau pour la saler, et passaient des heures à tamiser de la lessive en poudre pour en retirer de minuscules cristaux qu'ils considéraient comme un mets délicat.

Aujourd'hui installé à Gaziantep, l'ancien détenu Qais Mourad raconte comment, un jour d'été en 2013, il a été sorti de sa cellule pour voir ses parents, sauf qu'il a été enfermé dans une autre pièce pendant un moment.

A l'intérieur, il a marché sur quelque chose qui ressemblait à du sable. Agenouillé, la tête inclinée contre le mur, il a aperçu des gardes jeter une dizaine de corps derrière lui.

Plus tard ce jour-là, lorsqu'un codétenu est revenu dans la cellule, les chaussettes et les poches remplies de sel, Qais Mourad a compris.

"Après, nous nous sommes toujours arrangés pour porter chaussettes et pantalons avec des poches lorsque nous avions des visites, au cas où nous trouverions du sel", raconte Qais Mourad à l'AFP.

Cet ancien prisonnier se souvient de la façon dont ses codétenus impatients avaient mangé ce jour-là des pommes de terre bouillies avec leur première pincée de sel depuis des années, sans se soucier de sa provenance.

T.Gerber--NZN