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Familier de l'univers médiatique, Fabien Galthié, qui dressera mercredi le bilan du Tournoi des six nations des Bleus lors d'une conférence de presse à Marcoussis, s'est pris ces dernières semaines au piège de sa propre communication.
"Le contenu est parfait." Prononcés à chaud dans les entrailles de Murrayfield, ces quatre mots du sélectionneur ont fait grincer des dents alors que son équipe n'avait dû sa victoire en Ecosse (20-16) qu'à un exploit individuel d'un gamin de 20 ans, Louis Bielle-Biarrey, et une décision arbitrale litigieuse sur la dernière action écossaise du match.
L'un de ses prédécesseurs, Pierre Berbizier, avait notamment dénoncé son "ton ironique" auprès de RMC: "J'ai l'impression qu'il se moquait des journalistes présents, mais en se moquant des journalistes, il se moque de nous, du public (...) J'attendais plus un profil bas de sa part."
Invité par l'AFP en conférence de presse à s'expliquer sur sa communication avant le match suivant, contre l'Italie, Galthié a répondu d'une longue tirade ininterrompue de près de neuf minutes.
"Chacun est responsable de ses paroles, de ses pensées, de ses mots", a-t-il notamment avancé. "Et les mots ont un sens, les mots sont très importants. Les mots, quand on les emploie, sont à la fois très positifs et parfois ils peuvent faire mal. Ils peuvent être aussi forts que des coups de poing."
"Concernant la façon de m'exprimer et de commenter des matches ou de répondre aux questions, j'essaie de faire le mieux possible", a-t-il encore dit. "J'essaie d'apporter une vision, une objectivité. J'essaie de comprendre les questions qui se posent parce que je fais attention à qui je m'adresse."
Dont acte. La réponse en elle-même laisse pourtant penser le contraire, avec de nombreuses digressions et parenthèses qui brouillent le message. Un procédé rhétorique classique, notamment en politique.
"Pour reprendre Martine Aubry, +quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup+", décrypte Frédéric Dosquet, enseignant-chercheur à l'école de commerce ESC Pau et auteur d'un guide pratique "Prendre la parole dans les médias".
Galthié, ancien consultant pour France Télévisions, Europe 1 et L'Equipe, "connaît bien les ressorts de la communication médiatique", note le spécialiste, intervenant auprès d'un club de rugby pro.
- "Un miroir devant lui" -
Derrière ses lunettes rectangulaires aux épaisses montures et ses airs de savant fou, le technicien de 54 ans, parfois lunaire dans ses prises de parole, est rarement avare de bons mots et de petits phrases dont les journalistes sont friands.
Ses "finisseurs", plutôt que remplaçants, ou "ovnis", pour les joueurs au parcours atypique, sont passés à la postérité, comme la "flèche du temps" qui était censée emmener les Bleus jusqu'au titre lors de la Coupe du monde l'automne dernier.
Mais le ressort est justement cassé depuis l'échec en quart de finale de ce Mondial à domicile, que l'ancien demi de mêlée, après des semaines de silence médiatique, n'a pas clairement expliqué, se cachant derrière une montagne de chiffres et de statistiques.
"Il est devenu le (Raymond) Domenech du rugby en termes de communication", analyse Frédéric Dosquet, le comparant avec l'ancien sélectionneur de l'équipe de France de football (2004-2010). "C'est quelqu'un qui avait les codes médiatiques, mais qui sous la contrainte se réfugie derrière des phrases alambiquées. Les médias, qui pouvaient être ses alliés, sont devenus des personnes qui mettent un miroir devant lui et il n'aime pas du tout."
"Galthié a le rugby dans le sang", développe-t-il. "Quand il est dans l'offensive, il est lui-même. Il est cash. C'est ce qu'on achète chez lui. Quand il est sur la défensive, il ne se lâche pas du tout, il est complètement sclérosé. Ce qui fait que sa communication n'est pas huilée. Elle n'est plus naturelle, elle est saccadée. Ca manque de dynamisme."
Le contenu ne peut pas toujours être parfait.
F.Carpenteri--NZN