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Parce que "c'est passé presque trop vite" l'an dernier malgré 58 heures de souffrance, Aurélien Sanchez, premier vainqueur Français de la Barkley, s'est attaqué à nouveau mercredi dans les reliefs hostiles du Tennessee à cette course mythique d'ultra-endurance.
Depuis qu'il s'est lancé dans le trail un peu par accident, il y a moins de dix ans, alors qu'il vivait aux Etats-Unis, le natif de l'Aude a toujours eu la Barkley dans la peau.
C'est aussi désormais le cas au sens propre du terme puisqu'il s'est fait tatouer sur le mollet droit plusieurs éléments faisant le folklore de l'épreuve, présentée comme l'une des plus difficiles au monde.
La forêt inhospitalière du parc de Frozen Head, perdu quelque part entre Nashville et Knoxville; un des livres dont les concurrents doivent arracher les pages pour prouver leur passage à différents endroits du parcours...
Et la fameuse barrière jaune d'où l'ingénieur de 33 ans s'est élancé pour la deuxième fois, vers 5h30 mercredi heure locale, lorsque le fantasque organisateur de la course, Lazarus Lake, a, comme le veut la tradition, tiré sur sa cigarette pour donner le départ.
Depuis la première édition en 1986, seuls 17 coureurs sont venus à bout des cinq boucles -- environ 160 km et 20.000 m de dénivelé positif au total -- à réaliser en moins de 12 heures chacune, sous peine d'être éliminé.
Premier Français à avoir accompli cet exploit l'an passé, en 58 heures, 32 minutes et 12 secondes, Sanchez sait qu'il pourra difficilement faire mieux, mais son histoire quasi obsessionnelle avec la Barkley n'était pas encore terminée.
"J'ai l'impression que c'est passé presque trop vite. Que c'était un peu un rêve, que c'était trop beau", racontait-il à l'AFP fin janvier près de chez lui, en banlieue toulousaine. "C'est un défi qui reste intact chaque année, avec à nouveau beaucoup de remise en question et d'introspection".
- Humble et méthodique -
Recalé plusieurs fois avant d'être enfin accepté au départ en 2023, le vainqueur sortant n'a pas eu de passe-droit cette année: il a dû repasser par l'habituelle procédure de candidature pour recevoir la "lettre de condoléances" envoyée à la quarantaine de participants seulement.
Une fois tassées les sollicitations médiatiques des premières semaines après sa victoire, sa vie a vite repris son cours normal, entre son métier d'ingénieur dans l'industrie automobile et ses entraînements dans les coteaux du sud de Toulouse ou les Pyrénées le week-end.
"Je sais ce que je vaux et surtout ce que je ne vaux pas", témoigne-t-il avec une humilité non feinte. "Ce n'est jamais gagné d'avance. J'ai réussi à la finir une fois, mais je ne peux pas prétendre la finir tous les ans".
Tellement de facteurs entrent en jeu sur 60 heures de course qu'il est impossible de tout contrôler, même pour un esprit aussi "méthodique et synthétique" que le sien.
"C'est un grand puzzle dont on doit assembler toutes les pièces", explique-t-il. "Il y a une partie de mental, de physique, d'orientation, de nutrition, de sommeil..."
Pas suffisamment rapide pour rivaliser sur d'autres terrains avec les meilleurs trailers de la planète, comme Kilian Jornet ou François D'Haene, Sanchez a trouvé avec la Barkley une course correspondant parfaitement à ses aptitudes et à sa philosophie.
"C'est quelqu'un de simple, qui paraît ordinaire, mais qui ne se rend pas compte du potentiel qu'il a pour des événements de ce type-là. Il peut endurer beaucoup de souffrance", salue dans un documentaire de L'Equipe Explore son ami et coureur Guillaume Calmettes, quatre participations dans le Tennessee et autant d'échecs.
Les deux Français, fusionnels, ont pris le départ de l'édition 2024 avec le rêve un peu fou de la terminer ensemble. En veillant cette fois à ce que les 60 heures de souffrance ne passent pas trop vite.
M.Hug--NZN