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"C'est paradoxal, j'ai travaillé 29 ans pour ne plus avoir à réfléchir" sur les skis, raconte Cyprien Sarrazin avec le flegme qui l'accompagne dès qu'il n'est pas en train de dévaler les pistes les plus prestigieuses du monde.
Le Haut-Alpin de 29 ans, de passage à Paris où il enchaîne les rendez-vous médiatiques, est revenu mercredi pour l'AFP sur sa saison folle qui l'a érigé en nouveau héros du ski français.
Quand il évoque son hiver, marqué par ses victoires en Coupe du monde sur les pistes de Bormio (Italie), de Wengen (Suisse) et de Kitzbühel (Autriche), Cyprien Sarrazin parle de "déclic", puis de "chemin de vie" ou encore de "flow".
Le déclic, l'ancien géantiste -reconverti sur le tard à la vitesse après un début de carrière émaillé par les blessures- l'a eu dès le début de l'hiver, quand il est arrivé aux Etats-Unis avant l'étape de Coupe du monde prévue à Beaver Creek en novembre.
"On s'est entraînés et j'ai senti que quelque chose s'était passé dans les secteurs les plus pentus, que quelque chose s'était libéré", raconte-t-il.
Dans la station américaine, Sarrazin sera premier et deuxième des deux entraînements officiels. Peu importe que les courses soient annulées en raison de la météo, il prend alors "conscience que quelque chose a changé".
- "Zone de confort" -
Quelques semaines plus tard en Italie, le Français confirme en prenant la 4e place de la descente de Cortina d'Ampezzo, avant la consécration à Bormio fin décembre quand le skieur du Dévoluy réussit la manche parfaite et signe sa première victoire dans la discipline reine du ski.
S'en suivent trois semaines sur un nuage pour le Haut-Alpin: une première victoire en super-G et deux deuxièmes places en descente à Wengen puis le doublé historique en descente sur la mythique Streif de Kitzbühel. Autant de succès qui le propulsent du jour au lendemain du statut d'"outsider" à celui de prétendant au globe.
"C'est comme si j'avais été libéré de quelque chose qui m'empêchait d'être moi-même", affirme Sarrazin pour expliquer son épiphanie, "que j'avais enfin trouvé ce qu'il me fallait."
Sur les skis, le changement est visible. Surnommé "Crazy Cyp" par ses coéquipiers en raison de son côté tête brûlée qui lui a longtemps valu des sorties de pistes impressionnantes, Sarrazin "2.0" réussit désormais des manches maîtrisées de A à Z.
"Je prends des risques mais je reste dans ma zone de confort", assure le skieur. "C'est paradoxal, j'ai passé 29 ans à travailler pour ne plus avoir à réfléchir, pour juste être pleinement présent pour les deux minutes d'une descente."
"C'est quand je sors de cette zone de confort, quand je commence à avoir des pensées parasites, que ça devient dangereux", ajoute celui qui est accompagné depuis un an par une préparatrice mentale.
- "Tout était facile" -
A Kitzbühel sur la deuxième descente, alors que les observateurs n'en reviennent pas de le voir prendre des courbes extrêmement engagées, Sarrazin est serein: "je savais précisément où passer, j'ai senti un équilibre de fou, tout était facile".
"J'avais l'impression de flotter au dessus de la glace. J'étais dans le +flow+", ajoute-t-il en référence à cet état de relâchement et d'extrême concentration que recherchent de nombreux athlètes.
Une chute à l'entraînement à Kvitfjell (Norvège) mi-février et une météo capricieuse à Saalbach fin mars privent le Français d'une fin de saison en apothéose et d'un ultime duel avec son ami suisse Marco Odermatt, finalement vainqueur du globe de la spécialité.
Mais Sarrazin ne s'en formalise pas et apprécie que la pression retombe après un hiver où il a découvert les sollicitations médiatiques, celles des sponsors et du public.
Quand on lui parle de la saison prochaine, il balaye et dit vouloir simplement "continuer comme ça". "Je ne me suis jamais mis d'objectifs précis, j'ai toujours voulu me faire plaisir. Quand on se fait plaisir, ça skie vite."
En attendant, il s'alignera début avril sur les championnats de France puis profitera de la fin de l'hiver pour aller s'entraîner sur les glaciers européens.
Avant de prendre des vacances et de retrouver son VTT de descente, son autre passion qui lui permet d'entretenir l'été son "instinct de vitesse" qui l'a fait briller tout l'hiver.
M.Hug--NZN