AEX
-3.3700
Mieux que le Paris Saint-Germain, Manchester City ou le Real Madrid : au Turkménistan, l'équipe de football du FK Arkadag reste invaincue un an après sa création en l'honneur de l'homme fort de ce pays désertique et reclus d'Asie centrale.
Nommée d'après l'ex-président Gourbangouly Berdymoukhamedov, portant les titres de "Héros-Arkadag" (protecteur) et de "chef de la nation turkmène", la formation a connu une ascension éclair, avec 36 victoires en autant de matches officiels, série en cours début avril.
Fondé au printemps 2023, le FK Arkadag a immédiatement intégré la première division, dont le lancement a été retardé pour que le club recrute joueurs et entraîneurs. Résultat: le club a écrasé la concurrence, remportant le Championnat et la Coupe du Turkménistan.
Une issue prévisible dans cette ex-république soviétique. Car Gourbangouly Berdymoukhamedov a beau avoir cédé la présidence à son fils Serdar en 2022, il continue de faire l’objet d’un culte de la personnalité, dispose d'immenses prérogatives, gouvernant de facto en tandem avec son fils.
Outre son équipe de foot, M. Berdymoukhamedov alias Arkadag a transmis ce nom à des médias ainsi qu'une ville nouvelle construite, officiellement pour cinq milliards de dollars, et où trône un monument de 43 mètres de haut, surmonté d'une statue dorée le représentant à cheval.
- "Soutien" du dirigeant -
Malgré son record de victoires, le club de foot a encore du mal à faire se lever les foules. Lors de rencontres face à Akhal et Altyn Asyr en mars, auxquelles a assisté un journaliste de l'AFP, seuls 200 spectateurs étaient dans les travées du stade flambant neuf de 10.000 places d'Arkadag. Et cela malgré la gratuité des billets.
Parmi eux, Begentch Moukhadov, employé d'une entreprise de construction, agite l'écharpe du club avec son écusson bleu-glacier, un cheval blanc akhal-teke, race vénérée au Turkménistan, se cabrant devant des montagnes.
"C'est certain qu'Arkadag remportera encore tous les titres possibles cette saison. Je suis heureux qu’une équipe invincible soit apparue et que le football soit devenu intéressant", se félicite le jeune homme de 18 ans.
Quant à Chagueldy Soïounov, fonctionnaire de 34 ans qui "sui(t) attentivement tous les matches d'Arkadag", il se dit satisfait du "jeu dynamique" proposé par la formation au maillot blanc barré d'une bande verte sur le torse.
Après le doublé Coupe-Championnat, Gourbangouly Berdymoukhamedov avait notamment offert aux joueurs une photo de son président de fils Serdar dédicaçant un ballon avec le logo d'Arkadag. Un cadeau "accepté avec une grande fierté et une profonde gratitude", reprenait à l'unisson la presse étatique turkmène.
"Il a rencontré notre équipe et nous a animés pour remporter de nouvelles victoires", se souvient pour l'AFP Didar Dourdyev, double meilleur buteur en titre du championnat.
Le message est visiblement passé : après avoir inscrit 83 buts l’an passé en 24 matches de championnat, Arkadag en est déjà cette saison à 25 réalisations en cinq journées.
"Nous ressentons le soutien de notre respecté Héros-Protecteur Gourbangouly Berdymoukhamedov", assure à l'AFP Dourdyev, le prolifique attaquant de 30 ans.
- Défaites invisibles -
Accoler le nom d'Arkadag à des défaites pourraient cependant faire tache.
Il n'existe donc aucune trace sur le site de la Fédération de football turkmène des deux seuls revers du club, en matchs amicaux, face aux Ukrainiens du Shakhtar Donetsk et du Dnipro-1 en février.
Rien d'étonnant dans un pays où l'information est cadenassée.
Mais cette ultra-domination sur le football turkmène risque d'être insuffisante sur la scène continentale, quand Arkadag participera cet été à la Ligue des champions 2, l'équivalent asiatique de la Ligue Europa.
Car à la différence d'autres républiques d'Asie centrale, le Turkménistan n'a jamais été une terre de football.
Malgré le soutien étatique via l’argent tiré des immenses ressources gazo-pétrolières du pays, la marche reste trop haute pour les clubs turkmènes.
Un constat similaire pour la sélection, dont Arkadag est la colonne vertébrale, mais qui stagne dans le dernier tiers du classement FIFA (143e) et n'a pas remporté un match depuis juin 2022.
"C'est bien que les joueurs se connaissent, cela renforce leur état d'esprit collectif pour gagner", espère cependant auprès de l'AFP sous couvert d'anonymat un fonctionnaire du Comité d'Etat pour le sport.
L.Rossi--NZN