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Sa première médaille, il l'a décrochée en jeans, sur une course locale dans sa bourgade natale. Elle a fait des petits et, aujourd'hui, une centaine de breloques ornent la chambre du hurdleur norvégien Karsten Warholm.
Ulsteinvik, son écrin naturel fait de fjords, ses chantiers navals et... son viking hypersonique.
Sur les rives de la mer du Nord, la modeste cité a donné naissance il y a 28 ans à la star du 400 mètres haies Karsten Warholm, venue à cette discipline sur le tard mais qui a tout gagné depuis: trois championnats du monde, deux championnats d'Europe et un titre olympique assorti d'un nouveau record mondial à Tokyo en 2021.
"Il se pointe en jeans, sans aucun vêtement de sport, et il écrase tout le monde. Après ça, il s'est mis à l'athlétisme", se souvient son fidèle camarade, Kristian Mork.
"J'ai moi aussi fait de l'athlétisme pendant des années. Parce que je m'alignais contre Karsten, mon palmarès se résume essentiellement à des médailles d'argent", s'amuse-t-il.
- Chambre aux trésors -
Dans la maison familiale à la sortie d'Ulsteinvik, la collection de Karsten, elle, contient beaucoup de médailles au métal doré qui pendent au-dessus de la porte d'une chambre de garçon transformée en salle des trophées.
Celle décrochée à Tokyo a été exceptionnellement sortie du coffre-fort, tout comme la chaussure qu'il portait ce jour-là et avec laquelle il a pulvérisé son propre record du monde: 45 sec 94.
"On essaie toujours de laisser un peu de place au cas où", sourit Kristine Gølin Haddal, mère et agente du champion.
Elle-même pratiquait l'athlétisme dans sa jeunesse tandis que le père, Mikal Warholm, était porté sur le foot.
Enfant, Karsten tape donc dans le ballon un jour et fait de l'athlé le lendemain. C'est dans ce sport qu'il perce en 2011, à 15 ans à peine, lors de championnats nationaux jeunes en salle.
En un weekend, il rafle cinq médailles d'or: saut en longueur, en hauteur, 60 m, 60 m haies et 200 m. Sur les photos, il pose fièrement, tout sourire derrière son appareil dentaire.
"Il aimait se frotter à différentes disciplines, se lancer des défis, voir s'il pouvait gérer telle ou telle épreuve", se souvient sa mère.
Un esprit touche-à-tout, une volonté de fer et... énormément d'entraînement au lycée, où il suit la filière sports, comme sur son temps libre.
C'est sur une piste en plein air de la ville, sous un préau ou sur la plage, qu'il avale les kilomètres été comme hiver.
"Il s'entraînait toute l'année, souvent dehors", témoigne son ancien prof de sport au lycée, Svein Ove Fylsvik. "Pas sûr qu'il trouvait toujours ça très marrant mais il faisait tout ce qu'on avait convenu, qu'il pleuve ou qu'il vente".
- Effet Warholm -
Le travail paie. En 2013, à Donetsk (Ukraine), Warholm remporte les championnats du monde juniors d'octathlon (l'équivalent en catégorie jeunes du décathlon), une discipline sur laquelle il se concentre pendant longtemps.
"Le 400 m, il n'était pas très fan. Trop fatigant", dit Arve Hatløy, son entraîneur de jeunesse. "Il a continué d'être polyvalent et de toucher à tout jusqu'à ses 18-19 ans".
Mais, ajoute-t-il, "il peinait à vraiment exceller dans les épreuves combinées parce qu'il n'était pas très bon au javelot".
Ce n'est qu'après son déménagement vers Oslo en 2015 que le futur recordman du monde se concentre vraiment sur le 400 m haies, sous la houlette de son actuel entraîneur, Leif Olav Alnes.
Le reste est entré dans les annales de l'athlétisme.
A Ulsteinvik, la piste qu'il a sillonnée sans doute des milliers de fois doit être rénovée. Après quoi, elle portera le nom de l'enfant du pays.
Parmi les quelque 9.000 habitants de la ville et des environs, l'effet Warholm joue à plein. Le club local, qui avait jadis quelques dizaines de licenciés, en compte aujourd'hui plus de 200.
Parmi eux, Lovise Skarbøvik Andresen, spécialiste des haies. Selon elle, Warholm "montre qu'on peut venir d'un petit endroit reculé et devenir le meilleur au monde".
W.F.Portman--NZN