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A Roland-Garros, Novak Djokovic s'est efforcé d'entrer dans le coeur du public, fasciné par son épopée homérique et touché par des failles et un courage qui l'ont rendu humain, comme l'a brutalement rappelé sa blessure au genou droit l'ayant contraint au forfait.
Dans un de ces matches bouillonnant de dramaturgie comme on n'en voit qu'en Grands Chelems, le Serbe avait surmonté la douleur, lundi, pour remporter son 8e de finale aux dépens de Francisco Cerundolo au bout de 4h39 d'efforts. Sans savoir s'il pourrait continuer sa route.
Et mardi, le verdict est tombé: victime d'une déchirure du ménisque, il a dû renoncer à son quart contre Casper Ruud. Une première pour le Serbe de 37 ans dans un Majeur.
Son message sur Instagram en disait long sur sa déception. "J'ai joué avec mon cœur et j'ai tout donné dans le match (de lundi). Mon équipe et moi-même avons dû prendre une décision difficile, après mûre réflexion et consultation. Je remercie sincèrement mes incroyables fans pour leur amour et leur soutien continu".
Ce Roland-Garros semblait être pour Djokovic l'occasion de combler son manque de popularité du côté de la Porte d'Auteuil.
Car à Paris, ces 25 dernières années, il n'y en aura eu que pour "Rafa", le Roi des lieux avec ses 14 titres amassés à la sueur de son front, et pour "Rodgeur", l'élégance faite tennis, finalement parvenu à s'imposer (en 2009) sur cette terre battue qui s'est longtemps refusée à son jeu trop beau pour elle.
- Admiration et empathie -
Alors que Nadal (22 sacres majeurs) s'apprête à rejoindre Federer (20) sur la montagne sacrée des légendes retraitées du tennis, Djokovic a été épique dans son parcours.
Dans la nuit de samedi à dimanche, il avait bataillé 4h29 contre Lorenzo Musetti pour franchir le 3e tour. Et 36 heures plus tard, il a eu besoin de 4h39 pour vaincre Cerundolo.
A le voir se battre dans la souffrance, refuser mordicus la reddition, pour finalement renverser une situation compromise, l'admiration s'est mêlée à l'empathie dans les travées du Philippe-Chatrier. Et Djokovic, rarement apparu autant fragile sur un court, a été porté.
"Ma victoire est votre victoire. J'étais peut-être à trois, quatre points de perdre. Je ne sais pas comment j’ai trouvé le moyen de gagner. Grâce à vous... c'est la seule explication que j’ai", avait-il réagi, en s'adressant au public en français.
Depuis plusieurs années, le Serbe fait l'effort de s'exprimer dans la langue de Molière. L'an passé, sur sa route vers un troisième sacre à Roland-Garros, il estimait "que c’est une question de respect (...) cela vous permet de vous rapprocher des gens".
Plein de gratitude, Novak a aussi injecté une dose d'humour à son propos. Après sa victoire contre Musetti, il lança "Quelle heure est-il ? 3 heures du matin ?". Puis, s'adressant à un enfant en tribunes, il a poursuivi: "Tu dois dormir, qu'est-ce que tu fais ici ? Tu es trop jeune ! (...) Et qui va dormir maintenant ? C'est vraiment impossible... Avec toute l'adrénaline. Si vous avez des fêtes de prévues, je viens !"
- Manque de sincérité ? -
Emotion, hilarité, ovations... la nuit avait été courte, mais réussie pour Djokovic, qui le lendemain s'est invité dans une partie de pétanque au Bois de Boulogne. Une scène relayée sur ses réseaux sociaux, histoire d'élever un peu plus son capital sympathie.
Le Serbe de 37 ans a usé de nombreuses cordes durant sa carrière pour prouver qu'il n'est pas qu'une machine à gagner insensible au reste, entre baisers envoyés au public, imitations de joueurs et autres blagues en impliquant parfois le petit personnel des courts.
Mais il n'a jamais fait l'unanimité, d'aucuns lui reprochant un manque de sincérité. L'Australien Nick Kyrgios avance "qu'il a une obsession maladive: être aimé".
Il a fallu que la carapace se brise en 2021 à New York, où il fondit en larmes pendant la finale de l'US Open, qui lui échappait en même temps que le Grand Chelem calendaire, pour que le public de Flushing Meadows, historiquement très dur avec lui, finisse par lui hurler son soutien.
"J'ai ressenti quelque chose que je n'avais jamais ressenti de ma vie ici (...) Je m'en souviendrai pour toujours", avoua-t-il, ajoutant: "c'est aussi fort que de gagner 21 tournois du Grand Chelem. Ils ont touché mon coeur. C'est le genre de moments que nous chérissons".
Et si, presque trois ans plus tard, Djokovic, le rêve d'un 25e sacre majeur brisé, avait finalement gagné plus que cela ?
E.Schneyder--NZN