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Annoncée ces derniers jours par la Fifa, une réforme visant à limiter les prêts de joueurs, parfois utilisés à l'excès, va entrer en vigueur l'été prochain. Mais peu de clubs sont menacés par l'évolution réglementaire, qui doit s'intégrer à un projet plus global.
Effectifs pléthoriques, jeunes trimballés d'une équipe à l'autre, prêts avec option d'achat obligatoire pour étaler les paiements dans le temps, partenariats avec des écuries "satellites"... Le prêt trouve une place de choix parmi les dérives récentes du "trading" de joueurs.
"Le prêt peut être intéressant dans un parcours de post-formation, pour se tester ailleurs, se confronter à un environnement différent. Mais ce modèle a été détourné", remarque Sylvain Kastendeuch, coprésident de l'UNFP, le syndicat français des joueurs.
"Quand un joueur est prêté continuellement ou à des fins spéculatives, cela devient une industrie au service de l'inflation des effectifs. Et cela ne contribue pas à l'épanouissement du joueur", explique-t-il à l'AFP.
Certains clubs en font une spécialité. L'Atalanta compte ainsi actuellement 65 joueurs en prêt loin de Bergame, selon le site spécialisé Transfermarkt.
"C'est une question de concurrence: en accumulant énormément de jeunes joueurs, ces quelques clubs ont une certaine emprise sur le mercato car ils ont la possibilité de déterminer l'accès de ces joueurs aux plus petits clubs via des prêts", analyse Simon Darricau, avocat en droit du sport au cabinet Fidal.
En France, l'Olympique de Marseille a privilégié ce type de mouvement ces derniers mois, et se retrouve avec six joueurs prêtés, comme William Saliba et Mattéo Guendouzi, et six joueurs ayant fait le chemin inverse.
En tout, plus d'une mutation sur quatre concernait un prêt ou un retour de prêt en 2020, selon un rapport de la Fifa, contre 11,6% seulement pour les transferts de joueurs sous contrat.
- Six prêts maximum en 2024 -
Idéal pour renforcer temporairement un secteur de jeu sans débourser d'indemnités - sauf cas de prêt payant -, le prêt n'en reste pas moins une barrière aux jeunes talents des centres de formation, souvent privés par ce mécanisme d'une chance de figurer en équipe première.
"Avec le système actuel, certains bons joueurs passent au travers", confirme à l'AFP l'agent de joueurs Frédéric Guerra.
La Fifa, soucieuse de "favoriser le développement des jeunes joueurs et l'équilibre compétitif", s'est donc saisie du dossier.
Elle compte limiter à six le nombre de prêts par saison et par équipe à l'horizon 2024, dans les deux sens de circulation (6 départs et 6 arrivées au maximum). La réforme, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 2022, sera appliquée progressivement (8 en 2022-23, puis 7).
Des exceptions rendent toutefois le projet moins menaçant pour les grandes écuries: la réforme ne s'appliquera pas aux joueurs de 21 ans ou moins, ni aux footballeurs formés au club.
Le projet de la Fifa ne concerne par ailleurs pour le moment que les transferts internationaux, l'instance ayant donné trois ans aux ligues nationales pour adapter leurs règlements domestiques à ce cadre.
"La réforme reste une petite révolution, mais les clubs semblent l'avoir anticipée", juge Simon Darricau, qui s'interroge sur la limite d'âge fixée à 21 ans, laissant "la possibilité à certains clubs de continuer d'acheter des jeunes de 18 ans et de les couver pendant trois ans".
- Limiter aussi les effectifs -
En limitant à trois le nombre de joueurs pouvant être prêtés à la même équipe, la Fifa s'attaque aussi aux dérives des clubs "satellites", que les grosses formations utilisent pour faire jouer leurs jeunes ou leurs indésirables, comme Monaco avec le Cercle Bruges, dont il est l'actionnaire majoritaire.
Mais l'ASM, qui avait prêté neuf joueurs en Belgique en 2018-19, ne compte actuellement personne chez son partenaire, privilégiant parfois des stages de plusieurs mois pour ses jeunes pousses.
Ces évolutions réglementaires "restent un peu limitées", juge Sylvain Kastendeuch, qui promet que la ligue française "ira plus loin".
La Fifa, elle aussi, planche sur une réforme plus large du marché des transferts, notamment sur la question épineuse des commissions d'agents.
"On ne réglera ces questions qu'en travaillant en même temps sur une limitation des effectifs, sur un +salary cap+ (plafonnement des salaires, ndlr), sur une refonte de la formation", liste aussi Kastendeuch.
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O.Meier--NZN