AEX
-11.9800
Après dès débuts prometteurs à l'adolescence, Cyréna Samba-Mayela a connu une transformation sportive et personnelle fulgurante depuis son expatriation aux Etats-Unis il y a neuf mois, jusqu'à terminer son "oeuvre d'art" samedi au Stade de France en devenant vice-championne olympique du 100 m haies.
Bandeau rouge accroché à ses longs cheveux bruns, Samba-Mayela s'est effondrée en pleurs sur la piste violette en réalisant qu'elle serait sur le podium olympique, laissant exprimer -chose rare- sa joie et un large sourire avant même de connaître le métal de sa médaille, finalement l'argent à un centième de l'or décroché par l'Américaine Masai Russell (12.33 et 12.34).
A 23 ans, la hurdleuse, qui souffrait encore du Covid il y a un mois et demi, a réussi à finir son "oeuvre d'art" olympique, qu'elle façonne depuis ses débuts tonitruants à l'adolescence.
Née en 2000 à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), Cyréna Samba-Mayela est la troisième d'une fratrie de sept enfants. Après avoir touché à tout, du judo au patinage en passant pas le basket et la gym, elle commence l'athlétisme à 15 ans, est sacrée vice championne du monde cadette du 100 m haies deux ans plus tard et devient rapidement un grand espoir de l'athlé français.
En 2019, elle rejoint le champion du monde de triple saut Teddy Tamgho, reconverti en coach et connait avec lui des hauts (vice-championne d'Europe juniors en 2021) et des bas (forfait de dernière minute aux Jeux de Tokyo) avant de rentrer dans la cour des très grandes en 2022, quand elle devient championne du monde surprise du 60 m haies en salle.
"Je pense avoir passé un cap. Il faut continuer sur les mêmes bases et espérer des choses encore plus grandioses", prédisait-elle alors.
"CSM" a ensuite du mal à reproduire en été, sur la distance olympique, les succès connus l'hiver. Aux Mondiaux-2022 à Eugene, elle se fait sortir dès les séries du 100 m haies. Aux Mondiaux-2023 à Budapest, elle s'arrête aux portes de la finale.
- Expatriation américaine -
Déçue, la hurdleuse décide de tout changer en novembre 2023 à moins d'un an des JO : fini Paris, le cadre strict de l'Insep et de son coach, bonjour Orlando, la Floride et John Coghlan, un Irlandais qui entraîne aussi la championne olympique 2021 Jasmine Camacho-Quinn.
"C'est une approche plus détachée, c'est plus +relax+", racontait cet hiver la Française après sa médaille d'argent aux Mondiaux-2024 en salle.
"Mais je ne suis partie aux Etats-Unis qu'avec mes affaires de sport", a expliqué fin juillet la sprinteuse, qui a laissé en France ses crayons de dessins et les mangas dont elle est fan. "Ça passe par un côté qui est plus dur, qui fait plus appel à la discipline, un peu moins à la légèreté."
Le pari s'avère gagnant : Cyréna Samba-Mayela confirme enfin son potentiel sur 100 m haies en s'emparant dès le début de la saison du vieux record de France de la discipline, qu'elle abaisse à quatre reprises pour le porter en juin à 12 sec 31, chrono qui lui permet de décrocher l'or européen et de croire au podium olympique.
- "Cover-girl" -
"Je sais que vous me voyiez plutôt comme une coureuse du 60 m haies, j'avais envie de confirmer mon potentiel sur l'été", lâche-t-elle aux journalistes, avec qui elle est généralement peu loquace et très méfiante.
"Elle avait tendance à attaquer les haies comme un saut plutôt que comme un sprint", explique à l'AFP son coach, John Coghlan, qui la qualifie de "grande athlète".
Celle qui voulait être peintre avant de découvrir l'athlétisme l'explique en des termes moins techniques : "après les Championnats d'Europe, j'avais l'impression de vraiment +crafter+ (façonner, NDLR) quelque chose, d'arriver au bout d'une oeuvre d'art", disait-elle, mimant une artiste en pleine création.
Le chef des Bleus de l'athlé Romain Barras note aussi un changement de personnalité bluffant chez "CSM", plutôt très discrète et introvertie, depuis son départ aux Etats-Unis.
"Elle est plus mûre, plus ouverte", affirmait-il à Rome. "Elle a tout pour être une +cover-girl+. Il y a les +perfs+ qui sont monstrueuses et c'est une jeune femme qui peut être solaire. Ça peut être un des nouveaux visages de l'athlé français."
"Je ne trouve pas que j'ai changé", balaye l'intéressée, qui reconnait quand même que l'expatriation a été "rafraichissante". "Je ne suis pas forcément une personne qui va afficher sa personnalité en face d'inconnus. Il faut juste apprendre à me connaître."
F.E.Ackermann--NZN