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Succès populaire, progrès au niveau sportif, émergence de nouveaux talents, scénario digne d'un thriller à la Hitchcock, mais moyens financiers encore limités, la troisième édition du Tour de France, depuis sa renaissance en 2022, a confirmé la progression du cyclisme féminin.
"En partant de Rotterdam, le succès populaire est garanti", avait prédit Marion Rousse au départ de la course lundi 12 août aux Pays-Bas.
La directrice de l'épreuve avait vu juste. La première étape a rassemblé 150.000 spectateurs aux bords des route en direction de La Haye.
Une réussite jamais démentie tout au long de la semaine.
"Cette foule, c'est juste incroyable. Cela donne des frissons", a déclaré la Néerlandaise expérimentée Marianne Vos (37 ans), qui a terminé l'épreuve avec le maillot vert de meilleure sprinteuse.
Si les audiences TV se sont tassées sur France Télévisions (oscillant entre 1,5 et 2 millions de téléspectateurs en semaine), elles ont par contre grimpé en flèche en Belgique (+20% d'audience par rapport à 2023) et aux Pays-Bas (+40%), prouvant un intérêt marqué pour le Tour féminin hors de France.
Mais c'est surtout sur le plan sportif que les satisfactions sont les plus notables. Le niveau général progresse et la densité aussi, avec de jeunes coureuses qui se sont révélées au grand public, à l'image de la Bretonne Cédrine Kerbaol (23 ans), lauréate de l'étape de Morteau vendredi.
Et le scénario de la dernière étape n'a fait que renforcer l'intérêt sportif avec la victoire finale de la Polonaise Katarzyna Niewiadoma pour quatre secondes seulement devant la tenante du titre, la Néerlandaise Demi Vollering, dont la chute lors de la 5e étape a pesé lourd dans le dénouement.
L'Union cycliste internationale ayant instauré depuis 2020 un salaire minimum (32.000 euros par an) pour les coureuses d'équipes du World Tour, celle-ci peuvent désormais vivre de leur passion et se consacrer pleinement au vélo.
La différence reste toutefois abyssale par rapport à ce que gagnent les hommes. A titre d'exemple, Katarzyna Niewiadoma a touché 56.480 de gains soit dix fois moins que Tadej Pogacar, lauréat de la Grande boucle masculine en juillet.
- "Notre génération a beaucoup de chance" -
"Notre génération, on a beaucoup de chance", se réjouit Cédrine Kerbaol. "Ca me rend un peu triste pour les anciennes", poursuit-elle.
Les conditions d'encadrement ont également évolué. Désormais, la plupart des équipes ont un bus confortable, comme les hommes.
"Il y a dix ans, Marion Rousse (alors coureuse) devait se changer dans le coffre de la voiture", a rappelé Christian Prudhomme, directeur du cyclisme chez ASO, l'organisateur du Tour de France.
Les choses ont bien changé. Désormais, plusieurs équipes effectuent des tests en soufflerie, utilisent la cryothérapie pour le récupération et s'entourent de diététiciens.
Le plus bel exemple de cette progression est sans doute l'équipe française FDJ-Suez créée en 2006 sous l'impulsion de Stephen Delcourt. Elle fait aujourd'hui figure de référence dans le peloton féminin.
"De 20 salariés en 2020, nous sommes aujourd'hui 46 avec l'ambition d'être 50 l'an prochain", explique le manager général de l'équipe. Sur les cinq dernières années, le budget (non divulgué) de FDJ-Suez a été multiplié par quatre ce qui lui permettra d'accueillir dans ses rangs la saison prochaine la Française Juliette Labous et probablement la numéro un mondiale Demi Vollering pour épauler la prometteuse Evita Muzic.
"L'économie du cyclisme féminin reste fragile", relativise toutefois Marion Rousse. Illustration avec l'équipe française Auber 93 à la recherche d'un sponsor capable du lui apporter 500.000 euros pour ne pas disparaître.
"La visibilité du Tour de France est cruciale pour le développement du cyclisme chez les femmes et je suis fière de participer à ces progrès. Les filles le méritent", conclut la directrice de la Grande boucle féminine.
A.P.Huber--NZN