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Le Français Alexis Pinturault, encore en lice pour plusieurs médailles, a préparé les JO-2022 de Pékin à Reiteralm (Autriche), dans le pays du ski alpin, où il a établi son camp de base hivernal depuis cinq ans.
Allongée sur la neige, Joia s'ennuie, personne ne joue avec elle. 08h00 du matin, mi-janvier, dans l'ombre et le froid de Reiteralm, cette magnifique Laïka de Yakoutie au pelage noir et blanc regarde son maître s'amuser sans elle en glissant à pleine vitesse sur la piste.
Quand il remonte la pente accroché à une motoneige, Alexis Pinturault peut voir le soleil levant bercer le sommet du Haut Dachstein. A l'horizon, il devine Pékin et ses Jeux olympiques (4-20 février), les troisièmes pour lui.
"Je veux garder à l'esprit que les JO sont une fête, peu importe ce qu'il s'est passé dans la saison. Il faut y aller avec le sourire et y prendre du plaisir, c'est une chance dans la carrière d'un athlète. Oui il faut faire des résultats, mais ce n'est pas un devoir, il faut donner le meilleur de soi-même."
Alexis Pinturault dédramatise devant quelques médias son début de saison mitigé, sans victoire pour l'instant, une rareté pour cette machine à trophées (34 succès en Coupe du monde).
- "Un endroit idéal" -
Manche après manche, il essaie les six paires de ski blanche et vertes préparées avec six réglages différents par son technicien autrichien Guntram Mathis.
Le discret "Tchunti", son surnom, fait partie des six membres de la cellule d'entraînement du Français, financée par lui même, ses sponsors et par la fédération française.
Son préparateur physique assiste à la séance avec sa femme Romane, qui est aussi son attachée de presse (seul le kiné manque à l'appel). Les deux entraîneurs, Fabien Munier et Nicolas Thoule, ont planté les portes de géant à 06h30 du matin. Tous sont dévoués à la réussite du dernier vainqueur du gros globe de cristal, sacré meilleur skieur du monde l'an passé.
"On est loin de nos familles six mois par an, mais c'est le boulot. Un participant au Vendée Globe est aussi loin de chez lui. On essaie de faire venir nos proches sur des compétitions ou ici, même si actuellement c'est difficile", note Fabien Munier.
Pourquoi un skieur Français se retrouve "ici", à Reiteralm, tous les hivers (il loge à quelques kilomètres à Altenmarkt)?
"C'est assez central par rapport à toutes les compétitions en Europe. Les conditions d'entraînement sont très bonnes, la piste est toujours prête, sans que les coaches aient besoin en amont de travailler sur le revêtement. C'est un endroit idéal et facile pour se préparer", détaille Pinturault.
- Derniers JO? -
Le Savoyard gagne du temps sur ses innombrables déplacements et profite du savoir-faire local, au coeur de l'Autriche, LE pays du ski alpin, qui l'a adopté, lui qui répond aux interviews en allemand. Reiteralm était aussi le repaire du roi Marcel Hirscher, bourreau et inspirateur de Pinturault, avant sa retraite en 2019.
Les employés de la station, aux petits soins, saluent le champion à tour de rôle. Sur la piste, superbe, "Pintu" taille des courbes au cordeau, et fonce à grands coups d'épaules dans les portes. Une journée de travail habituelle.
Mais le Français semble nerveux. En géant il dominait tout le monde l'hiver dernier avant d'être dépassé cette saison. A cause du matériel et d'une certaine lassitude, pense-t-il. Il se déride plus tard lors de l'interview, où la mâchoire carrée du blond charpenté claque de froid.
"Je ne suis pas au niveau d'implication psychologique des saisons passées (...) Je n'arrive pas aux JO dans la meilleure situation en termes de résultats, mais les Jeux, c'est très différent, ce qui s'est passé avant ne compte pas", assure-t-il.
"C'est possible que ce soient mes derniers JO. Je ne sais pas si je serai capable de repartir sur quatre ans", prévient-il.
Quatre ans et autant de matinées à dévaler les pistes, tester, s'interroger, remonter, sous l'oeil observateur de Joia.
O.Hofer--NZN