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Pour l'importante diaspora arménienne de Marseille, le match entre l'OM et l'équipe de Qarabag jeudi au stade Vélodrome (21h00) en Ligue Europa Conférence aura un goût "amer", quinze mois après la cuisante défaite de l'Arménie infligée par l'Azerbaïdjan au Nagorny Karabakh.
"On va les écraser 5-0", prophétise Roger Vartan, à la tête du bar La Rotonde dans le quartier de Beaumont, où réside une grande partie de la diaspora arménienne de Marseille, l'une des plus importantes d'Europe, estimée à quelque 80.000 personnes.
Jeudi, c'est avec une attention toute particulière que ces supporters regarderont le match opposant leur équipe, 2e au classement de la Ligue 1, au "FC Barcelone du Caucase", l'un des clubs phare du championnat azerbaïdjanais, huit fois champion national, désormais installé dans la capitale, Bakou.
En cas de succès lors de ces barrages, dont le match retour sera disputé le 24 février, l'OM atteindrait les huitièmes de finale de cette première Ligue Europa Conférence de l'histoire. Mais pour certains Arméniens interrogés, cette rencontre dépasse le simple enjeu sportif.
A l'automne 2020, leur pays d'origine a affronté leur voisin et ennemi juré pour garder le contrôle du Nagorny Karabakh, cette région autrefois azerbaïdjanaise mais peuplée à majorité d'Arméniens et passée sous le contrôle des autorités d'Erevan depuis une première guerre dans les années 1990. En à peine six semaines, ce nouveau conflit, qui a fait plus de 6.500 morts, dont 3.700 côté arménien, a contraint l'Arménie à négocier un cessez-le-feu et à céder de larges pans de ce territoire.
- Traumatisme -
"Pourquoi ils s'appellent Qarabag ? Là-bas il y a des constructions vieilles de plus de 5.000 ans qui nous appartiennent", s'insurge Ichkan, Français d'origine arménienne à propos du club azerbaïdjanais autrefois basé à Agdam, une ville que le club avait été contraint de quitter pour Bakou en 1993 après la première guerre.
Sponsorisé par le géant de l'industrie agro-alimentaire Azersun, détenu par l'homme d'affaires turque Abdolbari Goozal, Qarabag est le club de football "le plus populaire du pays, davantage encore que l'équipe nationale", souligne auprès de l'AFP le journaliste sportif azerbaidjanais Elmir Aliyev.
Cette célébrité est notamment nourrie par des sentiments patriotiques, le club incarnant le traumatisme ressenti pendant des décennies par l'Azerbaïdjan d'avoir perdu le Nagorny Karabakh au profit de l'Arménie: "Beaucoup en Azerbaïdjan soutiennent le club en raison de ses victoires à l'international, mais aussi à cause de son nom", analyse le journaliste.
Même si l'équipe évolue désormais à plus de 300 km de sa ville d'origine, la rancœur est vive côté arménien.
"Je préférerais encore perdre contre le PSG plutôt que contre eux", poursuit Ickhan, à la table d'un café où est affichée une photo de l'équipe marseillaise de 1993, victorieuse de la Ligue des champions.
- "Tuer tous les Arméniens" -
"C'est que du foot", le corrige Jean-Luc, le patron de ce troquet, qui retourne régulièrement sur la terre de ses ascendants: "Sur le terrain, ce ne sont pas des Azéris qui jouent, mais des employés qui sont là pour l'argent qu'on leur offre".
"Tant mieux qu'on les affronte (plutôt qu'une grosse écurie européenne, NDLR), ce sera plus facile, on gagne un tour", ajoute-il amusé.
Pour Pascal Chamassian, ancien président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) Marseille-Provence, en revanche, ce match a un "goût amer": "Il n'aurait jamais dû avoir lieu si l'UEFA (organisatrice de la compétition, NDLR) avait pris ses responsabilités et exclu ce club par respect des droits de l'Homme".
Et M. Chamassian de rappeler l'appel à "tuer tous les Arméniens, vieux comme jeunes, sans distinction", lancé sur les réseaux sociaux par le responsable communication du club de Qarabag, Nurlan Ibrahimov, pendant la dernière guerre.
Si l'UEFA a suspendu à vie M. Ibrahimov de toute activité liée au football, la Fédération arménienne (FFA) avait elle réclamé, en vain, l'exclusion du club des compétitions européennes.
A.Weber--NZN