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Depuis deux millions d'années, la génétique sert d'arme à une espèce de coucou parasite qui fait couver ses œufs par d'autres espèces en imitant leur couleurs et leurs motifs. Mais ses victimes sont en train de retourner l'arme des gènes en leur faveur, selon une étude.
Le Tisserin-coucou est un charmant petit passereau au ventre jaune vif, endémique d'Afrique australe. Il est aussi un parasite d'autres espèces de volatiles non moins charmants, le Prinia modeste, au ventre blanc et ailes brunes, et le Cisticole à face rousse.
La femelle du Tisserin-coucou a développé un don extraordinaire pour mimer le motif et la couleur des œufs de son hôte. Elle y a d'autant plus intérêt que ce dernier, s'il découvre la supercherie, s'empressera de transpercer de son bec la coquille de l'intrus avant de s'en débarrasser. Le Cisticole est devenu ainsi particulièrement apte à repérer un "faux".
Mais si la manœuvre du Tisserin-coucou porte ses fruits, sa progéniture aura un avantage de taille, car son poussin est éclos un ou deux jours avant ses concurrents. Nettement plus gros que ces derniers, il va alors capter l'essentiel de la becquée fourni par les parents-hôtes, convaincus de nourrir leur petit, et garantir aux oisillons légitimes une mort par inanition.
- Un don hérité de la mère -
Tout repose donc sur la capacité de la femelle coucou à imiter le plus parfaitement possible l'aspect de l’œuf de son hôte. Un généticien britannique, Reginald Punnett, avait émis l'hypothèse en 1933 que ce don était hérité génétiquement via la mère.
L'équipe menée par la biologiste évolutionnaire sud-africaine Claire Spottiswoode, professeure à l'Université de Cambridge (Royaume-Uni) et à celle de Cape Town (Afrique du Sud), en apporte finalement la preuve, dans une étude parue cette semaine dans les Proceedings de l'Académie des sciences américaine (PNAS).
Avec l'aide de jeunes Zambiens, elle a étudié le patrimoine génétique des populations de Tisserin-coucou et leurs hôtes. La femelle de l'oiseau parasite transmet bien à sa descendance la capacité à pondre des œufs ressemblant souvent à s'y méprendre à ceux de son espèce hôte. C'est-à-dire à l'espèce dans le nid de laquelle elle-même est née.
"Ils sont capables de trouver le nid de l'espèce hôte qui convient, probablement grâce à un processus d'imprégnation", explique à l'AFP la Pr. Spottiswoode. On ne sait pas quels indices l'oiseau parasite utilise, "mais il semble savoir par quelle espèce il a été élevé", ajoute-t-elle.
Cette association entre une espèce et son parasite est si étroite qu'il y a environ deux millions d'années, le Tisserin-coucou a évolué en deux branches: l'une s'associant au Cisticole à face rousse et l'autre au Prinia modeste.
- Apparition du vert-olive -
Ce dernier pond des œufs blanc tirant plus ou moins vers le bleu ou bien vers le rouge. Le coucou a suivi cette évolution, mais ne peut pondre des œufs que d'une couleur, et se repose sur la chance pour que cette dernière corresponde à celle des œufs de son hôte.
La femelle hérite et transmet donc seule la capacité à produire des œufs d'une couleur bien particulière. Une spécialisation devenue un handicap. Car le Prinia utilise lui le patrimoine génétique des deux parents pour pondre des œufs aux motifs et couleurs toujours plus divers.
Il s'est mis à pondre des œufs d'un joli vert-olive, une combinaison utilisant notamment des pigments rouge et bleu, que le coucou, spécialisé dans un seul des deux pigments, ne peut imiter. "On ne sait pas quand cette évolution vers le vert-olive est apparue, mais il y a bien moins de 2 millions d'années", remarque le Pr. Spottiswoode.
Qui reste songeuse par ailleurs face au constat que si le coucou passe le test de détection de son œuf, sa progéniture est certaine d'être bien accueillie ensuite.
Elle qualifie de "magnifique" le phénomène d'adaptation au niveau de l’œuf mais s'étonne qu'arrivé à l'étape de l'oisillon, "les hôtes paraissent complètement idiots et élèvent un petit qui ne ressemble en rien à leur progéniture".
P.Gashi--NZN