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Avec l'arrivée de l'été austral au Chili ressurgissent les craintes d'un nouvel incendie dans le plus grand jardin botanique du pays, ravagé par le feu il y a près d'un an. Cependant, des milliers d'espèces indigènes résistantes aux flammes y ont depuis été plantées.
Début février 2024, 90% des 400 hectares du jardin botanique national de Viña del Mar, située à 120 km au nord-est de Santiago, ont été détruits par de violents incendies. Considérés comme les plus meurtriers de l'histoire récente du Chili, ils ont fait 136 morts et détruit des quartiers entiers de la ville.
Face à la tragédie, le directeur du parc centenaire, Alejandro Peirano, exprime ses craintes quant à un possible retour des flammes avec le début de la saison estivale et l'augmentation des températures.
"C'est certain, nous allons avoir un incendie", prédit-il auprès de l'AFP, sous l'un des rares spécimens à avoir survécu aux flammes, dont certains proviennent de graines d'arbres ayant résisté à la bombe atomique d'Hiroshima en 1945.
La jadis luxuriante oasis avait déjà été ravagée par de violents incendies en 2013, 2018 et 2022, bien que d'une ampleur moindre que ceux de l'an dernier.
Conçu en 1918 par l'architecte français Georges Dubois, le parc comptait 1.300 espèces de plantes et d'arbres, dont des cyprès de montagne, des palmiers du Chili ou encore des cerisiers du Japon. Il abritait aussi une faune sauvage de marsupiaux, renards gris, furets du Chili, ainsi que de nombreux oiseaux.
Pour restaurer ce patrimoine et renforcer sa résilience face aux incendies, des dizaines de bénévoles ont récemment entrepris d'y planter 5.000 arbres indigènes, parmi lesquels des litres (Lithrea causitca), des quillays (Quillaja saponaria) ou des colliguays (Colliguaja odorifera).
- Coupe-feux -
Contrairement à l'eucalyptus, une espèce exotique qui brûle rapidement, ces espèces indigènes sont capables de faire face aux flammes ou de les contenir plus longtemps, selon des recherches menées par l'Université technique Federico Santa Maria (USM), dont le campus principal se situe à Valparaiso.
"Nous avons démontré expérimentalement que le quillay et le litre sont moins inflammables que l'eucalyptus et le pin", explique à l'AFP Fabian Guerrero, chercheur au département de génie mécanique de l'USM.
"L'idée est de placer les espèces qui brûlent plus lentement devant (les autres, ndlr), afin que les incendies n'avancent pas si vite", explique M. Peirano. Lors de l'incendie de 2024, les flammes avaient consumé la quasi-totalité du parc en moins d'une heure.
La plantation de ces espèces sur huit hectares, réalisée grâce à un partenariat public-privé, précède une seconde phase visant à reboiser le parc avec des spécimens capables de s'adapter "à des faibles précipitations et à une sécheresse prolongée", note Benjamin Veliz, directeur de l'ONG partenaire Wild Tree.
Le projet prévoit également l'aménagement de coupe-feux aux limites du parc, où les ravins ont déjà été débarrassés de toute végétation susceptible d'alimenter les flammes.
Le parc a par ailleurs profité des abondantes pluies tombées au cours de l'année 2024 dans le centre du pays, après plus d'une décennie d'épisodes de sécheresse à répétition.
De jeunes pousses d'eucalyptus, de lentisques (Pistacia lentiscus) ou de peumos (Cryptocarya alba) émergent ainsi ça et là parmi les herbes desséchées par le soleil et les restes calcinés d'arbres et arbustes, témoignant de la résilience de la nature.
"Ces arbres qui brûlent reviennent, car la forêt sclérophylle (typique des climats méditerranéens et résistante aux sécheresses estivales, ndlr) réagit bien après les incendies", se console le directeur du jardin.
A.Senn--NZN