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Des eurodéputés vont tenter mercredi d'opposer leur véto au projet de label "vert" de l'Union européenne pour le gaz et le nucléaire, deux sources d'énergie considérées par Bruxelles comme nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le texte controversé, présenté en janvier par la Commission, classifie comme "durables" certains investissements pour la production d'électricité dans des centrales nucléaires -qui n'émettent pas de CO2- ou des centrales au gaz, à condition qu'elles mobilisent les technologies les plus avancées.
Et, pour ces dernières, qu'elles permettent de fermer des centrales à charbon bien plus polluantes.
Cette classification (dite taxonomie) doit aider à mobiliser des fonds privés dans ces projets. Elle s'inscrit dans l'objectif de neutralité carbone de l'UE en 2050.
"Je vous demande de ne pas rejeter ce fragile compromis négocié avec précaution", a demandé mercredi aux eurodéputés le Premier ministre tchèque Petr Fiala, dont le pays vient de reprendre à la France la présidence tournante de l'UE.
"L'énergie nucléaire et le gaz provenant de pays sûrs seront les seuls moyens pour certains États membres d'atteindre nos objectifs climatiques communs dans les années à venir", a-t-il plaidé lors d'un discours au Parlement de Strasbourg.
Mais la reconnaissance de la contribution du gaz et du nucléaire à la lutte contre le changement climatique, en s'appuyant sur la base de rapports d'experts, provoque la colère d'organisations écologistes qui dénoncent une opération de "greenwashing".
Le label "vert" était jusqu'ici réservé aux énergies renouvelables.
Après de premières manifestations d'organisations de défense de l'environnement mardi, quelques dizaines de militants pro et anti-nucléaire ont manifesté face-à-face mercredi matin pour interpeller les eurodéputés à leur arrivée au Parlement européen.
Dans l'hémicycle, les anti-gaz ont également donné de la voix lors d'un débat mardi. D'autant plus que l'actualité de la guerre en Ukraine, qui a mis en lumière le danger de la dépendance aux hydrocarbures russes, a renforcé l'hostilité de certains élus.
"Comment pouvons-nous demander aux autres pays de réduire leur utilisation des énergies fossiles si nous les classifions comme vertes ?", a lancé le Néerlandais Bas Eickhout (Verts).
Le vote, prévu mercredi vers midi (10H00 GMT), s'annonce serré. Le résultat est d'autant plus incertain que le sujet divise au sein même des familles politiques.
- Recours en justice ? -
Les eurodéputés devront dire s'ils approuvent ou non une objection, adoptée le 14 juin par les commissions parlementaires Affaires économiques et Environnement, synonyme de véto contre le texte de l'exécutif européen. Un tel rejet, rarissime, serait une gifle pour la Commission européenne.
Les députés de la Gauche radicale, les sociaux-démocrates et les Verts approuveront à une très large majorité l'objection au label "vert" accordé au gaz et au nucléaire. Les libéraux, la droite et l'extrême droite devraient majoritairement le rejeter.
Une majorité absolue de 353 voix est requise pour bloquer le texte de la Commission.
"Personne ne dit que le gaz et le nucléaire sont des énergies vertes mais elles sont temporairement indispensables à la transition. Nous devons utiliser tous les outils pour nous passer en priorité du pétrole et du charbon", a plaidé l'eurodéputé français Gilles Boyer (Renew).
La taxonomie de l'UE "donne la priorité aux renouvelables et à l'efficacité énergétique", a rappelé la commissaire aux Services financiers Mairead McGuinness, venue défendre son texte à Strasbourg.
Mais l'exécutif européen estime que les énergies renouvelables ne pourront pas à elles seules répondre à la demande croissante d'électricité en raison de leur production intermittente. D'où le besoin, au moins à titre transitoire, de favoriser aussi l'investissement dans des moyens stables et pilotables comme le gaz et le nucléaire.
Le label "vert" à ces deux sources d'énergie a déjà reçu l'aval des Etats membres. Seuls huit pays, dont l'Allemagne, l'Autriche et le Luxembourg, ont exprimé leur opposition, lors de consultations menées par la présidence française du Conseil de l'UE, loin de la "super-majorité" de vingt pays nécessaire pour bloquer le projet.
La France, qui veut relancer sa filière nucléaire, et des pays d'Europe centrale comme la Pologne, qui doivent remplacer leurs centrales à charbon, sont derrière la Commission.
Un rejet par les eurodéputés risquerait de couler définitivement l'initiative, selon plusieurs connaisseurs du dossier. La Commission devrait alors décider de présenter ou non un texte modifié.
En cas de feu vert du Parlement, les opposants ont déjà annoncé un recours devant la justice européenne.
D.Graf--NZN